Il y a une histoire du Gaon de Vilna (un érudit juif de la Russie du 18ème siècle) qui nous raconte ceci : Un jeune homme espionnait le Gaon de Vilna qui était assis à table un soir. Le Gaon regardait un bout de papier et pleurait. Après avoir essuyé les larmes, le Gaon quitta la chambre, et l’espion se précipita pour voir ce qu’il pouvait y avoir sur le papier. A sa grande surprise, il ne s’y trouvait rien à part 7 petits points dessinés au crayon. Comme sa curiosité était tellement grande, le lendemain il demanda au Gaon la signification des points. Était-ce un code secret ? Le Gaon lui expliquait que tous les soirs, il réfléchissait sur comment il avait utilisé son temps. Pour chaque moment gaspillé, il dessinait un point sur le papier. A la fin de la journée, il regardait son papier et demandait pardon à Dieu pour le temps perdu.
La morale de cette histoire n’est pas que nous devons stresser pour surtout ne pas gaspiller un moment de notre temps, mais que le temps qui nous est alloué est un cadeau précieux, et que la façon dont nous vivons peut faire une différence dans toute notre vie.
Un proverbe juif dit que « Ce n’est pas à toi de compléter toute la tâche, mais tu n’es pas non plus libre de t’en désister ». Être heureux ne veut pas forcément dire d’avoir tout ce qu’on veut, ou tout ce qui a été promis. C’est simplement de faire ce que l’on a été appelé à faire.
L’épitre aux Hébreux nous dit que « Par la foi, et en répondant à l’appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait. Par la foi, il vint résider en étranger dans la Terre promise, habitant sous la tente avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse. Car il attendait la ville munie de fondations, qui a pour architecte et constructeur Dieu lui-même », et encore « Dans la foi, ils moururent tous, sans avoir obtenu la réalisation des promesses, mais après les avoir vues et saluées de loin et après s’être reconnues pour étrangers et voyageurs sur terre. Car ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu’ils sont à la recherche d’une patrie ; et s’ils avaient eu dans leur esprit celle dont ils étaient sortis, ils auraient eu le temps d’y retourner ; en fait, c’est à une patrie meilleure qu’ils aspirent, à une patrie céleste. C’est pourquoi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu ; il leur a en effet préparé une ville » (Hébreux 11,8-10 & Hébreu 11,13-16).
L’auteur de l’épître aux Hébreux déduit des mots d’Abraham qui se désigne en « étranger et immigré parmi vous » qu’en réalité, Abraham et Sarah avaient choisi de vivre en tant que nomades sur un bout de terre dont ils savaient qu’ils n’allaient pas l’hériter eux-mêmes. Ils vivaient dans la Terre promise, mais en tant qu’étrangers et exilés, mais confiants en leur héritage futur.
En tant qu’enfants de Dieu nous sommes –même si nous vivons pleinement dans ce monde- en quelque sorte des étrangers et des exilés ici. Le monde nous a été donné, et en même temps, il ne nous appartient pas.
Si nous suivons l’appel de Jésus, nous confessons que nous sommes des étrangers et des exilés nous aussi, mais comme Abraham, nous vivons au milieu des autres peuples avec leurs coutumes.
Non seulement il vivait parmi ces peuples, mais il les honorait et en retour, était honoré et respecté par eux. Ils vivaient en paix, et cette paix était bien plus que la simple absence de guerre. Et je crois fermement que c’est là aussi un des aspects du discipulat : que nous sommes appelés à être des faiseurs de paix.
L’Église, les communautés, sont appelés à être des cultures de paix.
Devenir une culture de paix demande plus que seulement quelques idées et convictions. Cela demande de nous non pas de retirer du monde pour être en paix, mais de vivre pleinement dans ce monde, de s’engager avec ce monde, tout en gardant nos convictions et en s’appuyant sur les promesses de Dieu. Cela demande de nous non pas de finir le travail, mais d’apporter ce que nous pouvons, tout en gardant nos yeux tournés vers ce qui est à venir, vers ce qui a été promis et inauguré, mais qui n’est pas encore pleinement là.
La paix commence dans notre intérieur, mais elle deviendra extérieure et s’entendra dans nos communautés. De l’intérieur de nos communautés, elle peut rayonner dans ce monde. Nous ne pourrons certainement pas éviter tous les conflits –et ce n’est peut-être pas toujours souhaitable- mais nous pouvons apprendre à les gérer d’une façon paisible et pleine d’espoir. L’Église ne peut offrir au monde ce qu’elle a appris elle-même d’abord.
La Paix est le résultat d’une vie engagé à changer les choses, et le résultat du désir de laisser devenir la paix intérieure donné par Dieu aussi une paix extérieure.
Si nous regardons tout avec les yeux de Dieu, avec les yeux de l’amour, de la foi et de l’espérance –même les petites choses- notre perspective en sera changé. Chaque moment sera changé.
Le temps qui nous est donné est un don précieux, tout comme chacun d’entre nous est infiniment précieux.